
Discussions nocturnes
Un coup de feu résonna dans tout le quartier. »
Le temps s'arrêta. Je retenais mon souffle.
Himchan ?
Du sang gicla sur ma veste, juste assez pour que je commence à réaliser que j'étais en train d'assister à un meurtre.
Comme au ralenti, je vis le Chrysanthème tomber à nos pieds. Crachant du sang. Ses yeux sortant presque de ses orbites. Un vision horrible, certes. Mais soulageante dans le fond.
Ce n'est pas Himchan qui a été touché.
Son attaque avait été rapide et précise, mais réfléchie. En une fraction de secondes il avait réalisé que l'autre voulait le tuer. Alors il a réagi. Il l'a surpris. Il a tiré. Il l'a liquidé.
L'ennemi à terre, il lui tira à nouveau dans la tête.
Je n'eus pas le temps de le voir agoniser que mon chef hurla,
- Courez !
Pris dans un torrent de dégoût, de surprise et de soulagement. Mon corps obéit. Et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je prenais mes jambes à mon coup. Des coups de feu retentirent du haut d'un immeuble. Merde. On veut nous faire la peau.
Jun et Himchan me dépassèrent. Je fus soulagé de voir qu'ils n'avaient pas été touchés. Je continuais de courir en priant pour que l'on ne m'atteigne pas. Je ne voulais pas finir comme l'autre. Je ne voulais pas mourir. Pas maintenant. Pas après ce que j'avais surmonté.
Une balle passa à côté de moi. Je frôlais l'arrêt cardiaque quand nous fûmes enfin hors de portée.
- Vous allez bien ? nous demanda Himchan alors que je m'adossais à un mur pour reprendre mon souffle.
- O-Oui, lui répondis-je même si je commençais à être pris de nausées.
Le c½ur battant à tout rompre, des visions de l'homme me revenaient alors que je tentais de respirer correctement. J'en avais pourtant vu quelques uns des cadavres, le matin en allant en cours. Mais c'était la première fois que je voyais quelqu'un se faire tirer dessus d'aussi près. Je frottais ma veste. Son sang avait séché sur moi.
C'était dégueulasse.
Mon haut le c½ur l'emporta, je me faufilais dans une ruelle pour me soulager.
Himchan attendit que je me calme avant de pénétrer dans ma planque.
- On doit y aller bébé, on ne sait jamais s'ils descendent.
J'étais tellement bouleversé que je ne pris même pas ce nouveau surnom en compte. Nous étions bien trop occupés à courir jusqu'à la voiture. Jamais je n'eus été aussi angoissé de ma vie, c'était comme si la mort nous poursuivait. Je ne réussis à me calmer que lorsque nous fûmes enfin dans le véhicule. Je m'affalai sur le siège avec la grâce d'un éléphant de mer, soulagé.
Himchan, lui, ne prit pas la peine de souffler et démarra. Il ne se détendit qu'au bout de cinq minutes de route.
- C'était chaud, lâcha t-il.
- Tu as eu chaud surtout ! s'exclama Jun.
Je me relevai.
- Je suis admiratif ! laissai-je échapper.
Himchan me sourit.
- Je l'ai vu bouger mais jamais je n'aurais eu le réflexe de tirer avant lui ! Comment as-tu fait ?
- L'entraînement. Tu verras Daehyun devrait t'apprendre ça, me répondit le brun tout sourire.
J'étais vraiment pressé de rentrer à la Tanière. D'une part, parce que c'était l'endroit le plus sûr que je connaissais en ce moment et d'autre part parce que j'étais vraiment fatigué. Pour une première sortie, c'était vraiment très mouvementé. Et dire que ce n'était que le début ... Je me demande ce que je vais vivre par la suite ...
***
La voiture s'arrêta au bout d'une demi-heure. Je sortis en prenant soin de ne pas claquer la porte, à trois heure du matin la plupart des membres doivent dormir. Jun, lui, n'en avait que faire du respect des autres et sortit bruyamment du véhicule. Il pestait tout seul.
- Qu'est-ce que tu as encore ? lui demandai-je gentillement alors que nous rentrions dans la maison.
- En plus d'essayer de nous buter,il a tâché mes fringues avec son sang de bâtard ! Je me sens dégueulasse ! râla-t-il en ôtant son manteau.
C'est à cet instant que Manaka passa dans l'entrée. Elle écarquilla les yeux en voyant Jun recouvert de sang.
- Oh mon dieu ! Dis moi que tu n'as rien ! s'exclama t-elle en se précipitant vers lui pour soulever son tee-shirt.
- Non je n'ai rien M'man, tenta t-il de la rassurer.
- Toi aussi tu as du sang sur toi ! Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ?
Elle me saisit le visage et le frotta doucement avec ses pouces. Cet élan maternel me fit sourire. Ma mère ne me prêtait plus vraiment attention depuis longtemps alors ce simple contact me réchauffa le c½ur. Je tentais d'oublier l'étrange sentiment de trahison qu'il me provoquait en même temps. Il fallait que j'oublie mon passé. Et que je me concentre sur ma nouvelle raison de vivre : les Noppera-bo.
- C'est Himchan ... commença Jun.
- Quoi ?! C'est son sang à lui ?! le coupa Manaka qui commençait sérieusement à paniquer.
- Laisse moi finir. Un Chrysanthème a essayé de le tuer mais Himchan a été plus rapide. Le sang qu'on a sur nous c'est celui de l'autre connard.
- Pourquoi étiez-vous aussi proches ? demanda t-elle, soudainement suspicieuse.
- On l'a croisé dans la rue ...
- Quelle rue ? l'interrogea Manaka qui commençait à taper du pied, énervée.
- A la frontière ... murmura Jun qui, visiblement, savait que la chef allait exploser si elle entendait ça.
- Cet homme est inconscient ... VIENS PAR ICI ET N'ESSAYE PAS DE FUIR KIM-HIM-CHAN !
Himchan espérait passer inaperçu mais la Chef le repéra de suite et lui sauta dessus. Elle le colla contre le mur en le soulevant par le col. Je fus surpris de voir qu'une femme aussi petite puisse porter quelqu'un d'aussi grand que Himchan. Elle avait une sacré force.
- J'ai un alibi, indiqua t-il en brassant de l'air avec ses pied.
Manaka le fusilla du regard avant de le lâcher.
- J'attends, dit-elle d'un ton sec. Les garçons allez vous laver, vous puez le déo, nous ordonna t-elle.
Elle fouilla dans sa poche et tendit quelques billets à Jun.
- Vous irez vous acheter des habits avec ça. A nous deux maintenant ! annonça t-elle à l'attention de Himchan qu'elle poussait dans le salon.
Nous montâmes les escaliers et repartîmes en direction de la salle de bain. Jun chercha l'interrupteur et nous commençâmes à nous déshabiller. Les douches étaient désertes, à mon grand soulagement. On se lava dans le plus grand silence. Nous étions tout les deux fatigués. Une fois terminé, je pris un médicament pendant que Jun enfilait des vêtements propres.
- Ça t'a choqué ? me questionna t-il.
- L'ensemble de la soirée ou juste la scène de tout à l'heure ?
- Les deux.
- L'ensemble, non. Ça n'a fait que vérifier mes doutes.
- Comment ça ?
- Bah le genre d'activités des gangs, les marques d'appartenance à untel, la surveillance dans mon quartier, tout ça.
- Et la scène ?
- Là par contre, oui. C'était chaud quand même ... ça ne t'a rien fait à toi ?
- J'en avais déjà vu dans les films de guerre que Bang regarde en boucle, j'avais pu en apercevoir sur le terrain aussi mais, c'était toujours de loin. Là, c'était la première fois que j'ai pu observer ça d'aussi près ... C'était franchement dégueulasse.
Il arbora une mine dégoûtée. Je commençais à fouiller dans son tiroir pour lui piquer quelques vêtements. Heureusement que nous faisions la même taille. Sinon de visage et de corpulence nous ne ressemblions pas du tout. Il avait des cheveux noirs, plus longs que moi, qui lui retombaient aléatoirement sur le front. Ils lui arrivaient presque devant les yeux. D'ailleurs son regard était assez captivant pour un asiatique : il a les yeux gris. Il me fixait,
- Tes pansements, ils ont résisté à la douche ? s'inquiéta t-il.
- Oui oui. Ils sont solides vos trucs !
- C'est normal, c'est Zinger qui les vole à l'hôpital où elle travaille, elle est infirmière. Tout ce qu'on a en médocs et pansements c'est elle qui les ramène, m'expliqua t-il.
- Jun ... chuchotai-je.
- Quoi ?
- Merci ... Je ne te l'ai pas encore dit mais, merci.
- C'est normal t'es mon pote ! Oh arrête, je n'aime pas les séquences émotions ! mentit t-il en me tapant un grand coup dans le dos.
Il s'étira,
- Bon allez, on va roupiller maintenant.
Je lui souris et nous partîmes dans la chambre. Seulement quatre personnes dormaient. A ma grande surprise Himchan était déjà couché,
- Tu as fait vite, lui chuchotai-je en voyant Jun s'affaler à côté de Zelo.
Je regardais où il restait de la place. C'est soit à côté de Daehyun qui était terré, seul, dans un coin. Soit entre Jun et Himchan. Mon choix fut vite fait et je me faufilai entre les deux bruns, pensant que Daehyun voulait être tranquille.
- Oui Manaka avait déjà eu quelques infos, me répondit-il en se rapprochant dangereusement de moi.
C'est à cet instant que Bang rentra. Il nous adressa un bref regard avant de s'étaler lamentablement sur le matelas à côté de Himchan. Je tournais le dos à ce dernier, qui vint se blottir contre moi. Jun nous regarda, amusé, et se retourna pour se mettre dos à nous.
"Traître" pensai-je en étendant déjà la respiration lente de Himchan qui s'était déjà endormi.
Je tentais de m'extirper des bras du brun ce qu'il lui arracha quelques couinements.
- Il est un peu collant, non ? chuchota Bang qui venait de s'asseoir sur son matelas pour enlever sa veste.
- Il est gentil quand même.
- Viens à côté de moi va, sinon il va te bondir dessus pendant la nuit, me proposa Bang en tapotant le matelas près de lui.
J'acceptai. Au moins ici, je pourrais dormir l'esprit tranquille. Le matelas était situé entre Bang, qui ne tenterait rien, et le mur. Je m'installai donc aux côtés du blond, ignorant les grognements de Himchan qui se rabattit sur Bang.
- Voilà que je lui sers de bouche-trou, souffla le plus âgé qui venait de s'allonger.
Il se décala vers moi pour échapper à l'emprise du brun qui, visiblement, avait décrété qu'il ne dormirait pas seul cette nuit. Après quelques gestes de recul, nous finîmes les trois collés.
- Je ne peux pas bouger plus, désolé, m'excusai-je en constatant que nous allions finir dans le mur.
Bang soupira.
- Bon, tant pis. Fais voir ton dos.
Je me retournai, face au mur. Et finalement, ce fut Bang qui se colla à moi, qui lui était rattaché à Himchan qui lui bavait limite dessus.
Je ne sais pas si j'aurais du bouger finalement ... Quoi que, je sentais ma virginité plus en sécurité auprès de Bang. Lui, au moins ne m'avait pas fait d'avances douteuses.
Je m'endormis quelque temps après.
***
Mon sommeil fut de courte durée. Je n'arrivais pas à dormir cinq minutes sans faire de cauchemars. Il me narguait. Me poursuivait armé, prêt à me tuer moi aussi. Ce con de Chrysanthème. Je me réveillais sans cesse en sueur. Au bout de la troisième fois, lassé, je me glissai doucement en dehors du lit et sortis. Arrivé dans la bibliothèque, à pas de loup, je vis de la lumière à l'étage inférieur. Quelqu'un pestait. C'était une femme. Par curiosité, je descendis les escaliers et vis Manaka remonter du sous-sol avec une pelle.
- Tu n'arrives pas à dormir ? me questionna t-elle en sachant d'avance ce que j'allais répondre.
- Oui...
- Ça t'arrive souvent ? continua t-elle en posant l'instrument à terre.
- Tout le temps. Je n'aime pas la nuit. Et là je n'arrive pas à m'ôter le visage de l'autre de la tête, me plaignis-je.
- Je vois. Tu vas m'aider alors.
- A faire quoi ?
- A enterrer quelqu'un dans le jardin ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec une pelle.
J'étais... Choqué.
Mais ce fut de courte durée. Avant de l'entendre éclater de rire alors qu'elle remontait avec un sceau.
- Tu crois vraiment à tout ce que l'on te raconte, il ne faut pas être aussi naïf lorsque l'on fait partie d'un gang mon petit, sourit-elle en rapprochant sa tête de mon visage pour me regarder dans les yeux.
Je baissai mon regard. Elle semblait satisfaite de ma réaction.
- Je suis en train de construire une chambre blindée dans le jardin, viens.
Elle me tendit la pelle et nous passâmes dans le salon qui était ouvert sur la cuisine. Cette dernière possédait une porte fenêtre qui donnait sur un petit jardin. J'y vis un trou d'un mètre de diamètre environ.
- On en a besoin, on ne sait pas ce que les Chrysanthème trafiquent, continua t-elle en tournant autour.
- C'est pour vous protéger de quoi exactement ?
- De tout ce qu'ils pourraient nous balancer dessus. Ils fabriquent des bombes artisanales, comme nous. A la seule différence que nous, on réfléchit avant de les lancer. Pas eux.
Elle sauta dans le trou qui ne semblait pas très profond pour l'instant.
- C'est ce que tu as vu cette nuit qui t'empêche de dormir ? me demanda t-elle en me tendant un sceau plein.
Je vis un tas de terre accumulée dans un coin du jardin. Je partis le vider et lui répondit en revenant,
- En partie ...
- Tu sais nous ne sommes pas des monstres. Je n'ai pas crée les Noppera-bo pour semer la terreur et tuer. C'est Busan qui nous a créés. Busan et tout ce qui y régnait auparavant. La violence, les sanctions, les victimes, les gangs ... Tout était déjà là avant. Tout existait déjà sous nos yeux. Nous ne faisons que profiter de cette situation. Nous n'avons rien inventé. Nous n'avons rien imposé. Nous ne sommes que des révélateurs de ce qui existait déjà dans cette ville. Que nous soyons là ou non, la peur et les meurtres seront toujours présents. Alors le mieux à faire si tu veux rester avec nous et bien le vivre, c'est d'accepter. Dis toi simplement que ce genre d'événement était, est et sera toujours présent dans ta vie. Que tu le veuilles ou non. La seule différence est qu'en étant dans notre gang, tu verras les choses d'un peu plus près. Au lieu de voir une bagarre de loin, tu seras au c½ur du conflit. Au lieu de croiser des cadavres le matin, tu les verras se faire tuer la veille. Mais il faut que tu arrives à t'habituer à cette nouvelle vision de la violence que le gang t'apporte. Et surtout, il faut que tu te dises que tu n'es pas un monstre, que c'est n'est pas toi qui est à l'origine de tout ça, que ce n'est pas toi qui crée le mal mais qu'il était déjà présent sans toi. Une fois que tu auras changer ta façon de penser et que tu arriveras à voir ce genre de choses sans culpabiliser, alors tu arriveras de nouveau à dormir.
Je vidais un nouveau sceau. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.
- Je vais essayer, dis-je simplement.
- Tu vas y arriver, j'avais quatorze ans quand j'ai rejoins la mafia et dix-huit quand j'ai crée les Noppera. Alors toi, du haut de tes dix-neuf ans tu devrais réussir, lâcha t-elle presque moqueuse.
- Vous avez créée ce gang toute seule ?
- Avec Bang, c'est mon second parce qu'il n'aime pas l'administratif et diriger. On l'a créé il y a sept ans environ. A la base on était une vingtaine, maintenant nous sommes un peu plus de mille.
- C'est énorme !
Elle éclata à nouveau de rire. J'étais tout de même admiratif, à vingt-cinq ans elle était en tête d'un gang d'un millier de personne.
- Pas tant que ça si tu compares avec la population globale à Busan, sourit-elle, modeste.
- Mais ils sont où tout les Noppera-bo ?
Elle s'assit à côté de moi et me dévoila son tatouage sur une partie de son buste.
- Onze petites étoiles donc onze terriers, cinq étoiles moyennes donc cinq hangars et trois grosses étoiles pour les trois chefs : Bang, Himchan et moi. Après certains ont des familles et des maisons et ne vivent pas dans les terriers. Les membres ne dédient pas tous leurs vies entières au gang. C'est pour ça que tu y verras plus de jeunes.
Elle marqua une pause avant de s'allonger dans l'herbe fraîche.
- Tu as une idée ? m'interrogea t-elle vaguement.
- De ?
- Pour la désertion des Chrysanthèmes.
Elle me tendit la pelle. Je compris que c'était à mon tour de me glisser dans le trou, ce que je fis. Elle me donna le sceau. Bien qu'encore peu profond, ma tête ne dépassait pas. Je l'entendis bouger.
- J'en avais une petite mais après je ne sais pas si c'est logique étant donné que je viens d'arriver, avouai-je.
Je creusais tout comme je commençais à me creuser l'esprit.
- Développe, j'ai besoin d'idées et tu m'as l'air intelligent.
- S'ils désertent vous penserez qu'ils sont en train d'établir un plan d'attaque c'est ça ?
- C'est ce que la plupart des gens vont penser, oui.
- Donc vous prendrez peur et vous vous préparerez à vous défendre.
- Poursuis, sourit la Chef.
- Ils auraient pu passer un pacte avec un fournisseur, ou plusieurs. Ils font croire que ça va être la guerre. Vous achetez plus, les marchands sont contents puisqu'ils gagnent plus et ils reversent une part des ventes aux Chrysanthème qui vous ont fait peur.
- Parfait. Tu penses la même chose que moi, annonça t-elle en me prenant le sceau plein.
Super. J'ai la même logique qu'une chef de gang maintenant. Il faut croire que je commence à m'adapter à ce milieu...
- La question maintenant serait : pourquoi les Chrysanthème auraient-ils besoin d'argent ? Jusque là, les bénéfices qu'ils font grâce aux trafics n'ont pas évolués depuis un an et ils n'ont jamais cherché à les faire augmenter. Alors pourquoi soudainement auraient-ils besoin d'argent ?
- Pour acheter des territoires ?
- Non, un Chrysanthème n'achète pas. Il tue le proprio et s'accapare le territoire directement.
Cette réponse me fit froid dans le dos.
- Pour acheter des armes ? Mais à ce moment-là ça ne serait pas logique de vous attaquer étant donné que vous seriez plus armés vous aussi.
- Tu vois. Rien ne colle et ça m'énerve ! se plaignit la Chef en partant vider un sceau.
- Et si ça serait pour acheter plus de marchandises à vendre, c'est qu'ils veulent élargir leurs marchés et donc gagner plus d'argent.
- On en revient toujours à la même conclusion, constata Manaka qui à présent faisait les cent pas.
Je creusais.
- Ou alors ils veulent nous avoir à l'usure, supposa la Chef.
- Ils vont faire ça plusieurs fois jusqu'à ce que vous soyez lassés et n'y croyez plus. Comme ça ils vous attaquent à un moment inattendu, conclus-je en sortant du trou et m'asseyant aux côtés de la Chef.
- Voilà ! s'exclama Manaka en me pointant soudainement du doigt.
Bang apparut dans l'embrasure de la porte-fenêtre.
- Réfléchir ? Vous n'avez que ça à faire à trois heures et demi du matin ? nous demanda t-il en baillant.
- On t'a réveillé ? s'inquiéta Manaka.
- Non c'est Zelo. Il discutait dans son sommeil avec Himchan, soupira Bang en prenant une bière dans le frigo.
Manaka sourit.
- Tu peux m'en prendre une aussi ? réclama t-elle.
- Tu en veux une aussi ?
- Non merci, répondis-je à Bang.
Il s'assit dans l'herbe avec nous.
- Alors c'est quoi le sujet ?
- La désertion des Chrysanthème, annonça Manaka avant de commencer à boire cul-sec.
- Ah oui. J'en ai entendu parler au port. Des idées ?
Manaka me pointa à nouveau du doigt en s'allongeant dans l'herbe, à croire que ça l'aide à réfléchir.
- Soit c'est pour l'argent mais dans ce cas on en revient au même point, pourquoi en auraient-ils besoin ?
- Pour répondre aux nouveaux caprices de leur chef, répondit simplement Bang en commençant à découper un brin d'herbe en morceaux.
- Il est comment leur chef ? demandai-je.
- Personne ne le sait vraiment, même les membres. Il se planque sans cesse et on n'a encore jamais vu son vrai visage. Il n'a pas de nom officiel non plus. Tout ce que l'on sait c'est que c'est le roi de la discipline et dieu sait qu'il le fait comprendre aux petits nouveaux. Il ordonne à ses seconds de les envoyer en salle de torture pour leur faire comprendre qui est le patron. Après ce genre d'expérience, il est sûr qu'ils lui obéiront aux doigts et à l'½il et deviendront de bons petits soldats, ironisa Manaka en se remettant en tailleur.
Elle marqua une pause, but à nouveau et me frotta les cheveux énergiquement avec sa main.
- Tu es bien tombé en venant chez nous mon petit !
Elle se rallongea.
- Sinon ... commençai-je.
- Une idée mon petit ? s'intéressa Manaka les yeux soudainement pétillants.
- Ils veulent que vous renforciez les forces aux frontières, que vous concentriez plus là-dessus à cause de la désertion. Ensuite, ils profitent de cette diversion pour vous attaquer de l'intérieur. Logiquement vous serez plus faible ici puisque l'essentiel de vos moyens seraient aux frontières.
- Tordu mais pas mal, réfléchissait la Chef.
- Après je ne vois pas en quoi ça les avantageraient d'hériter d'un territoire qu'ils auraient eux-même détruit avant de le posséder ... continuai-je.
- Juste pour le plaisir de nous détruire. Tu sais, ce sont les psychopathes de Busan. Avoir des maisons tâchés de sang ne les répugne pas, loin de là.
Elle marqua une pause, son esprit cherchant certainement une solution.
- Bon dans tout les cas, on ne sait toujours pas ce qu'ils trafiquent. Et l'idée d'attendre qu'ils nous balancent un truc sur la gueule ne me réjouit pas vraiment.
- On ne peut rien faire de plus de toute façon, lui rappela Bang.
- C'est bien ça le problème. C'est frustrant, se plaignit Manaka. Dans tout les cas, il faut que l'on poursuive nos activités comme si de rien n'était. Ils seraient bien trop contents s'ils apprendraient que leurs vraies, ou fausses, réunions à la con auraient un effet sur nous.
- Les Phoenix vont réagir tu crois ? l'interrogea Bang.
Manaka éclata de rire.
- Ça ne risque pas ! G-Dragon attend toujours qu'on l'attaque pour réagir. Même si les Chrysanthème ont boycottés leurs frontières aussi, il ne fera rien.
Elle se leva brusquement et annonça qu'elle allait essayer de dormir. Nous laissant ainsi les deux, seuls.
- Elle ne dormira pas. Je la connais, soupira Bang. Et toi, pourquoi tu t'amusais à creuser un trou dans le jardin à presque quatre heure du matin ? se moqua t-il.
- Je n'arrivais pas à dormir et quand je suis descendu Manaka se baladait dans la maison avec une pelle. Ensuite elle m'a embarqué pour que je l'aide.
Je lui rendis son sourire.
- Si tu as la tête dans le cul demain matin Daehyun va t'engueuler comme tuteur il est strict, me prévint t-il. Pourquoi tu n'arrivais pas à dormir ? C'est à cause de moi ?
- Non non ce n'est pas à cause de toi ! m'exclamai-je en secouant vivement les mains devant lui, de peur qu'il se vexe. J'ai toujours eu du mal à dormir en fait. Et de voir Himchan tuer l'autre ça a accentué le truc c'est tout.
- Un insomniaque, se moqua Bang en haussant des sourcils.
Pourquoi fallait-il toujours que je me ridiculise devant les membres du gang ? Ça avait le don de m'énerver de passer pour un imbécile.
- Jong Up était comme toi, poursuivit mon aîné. Il fallait toujours que je dorme avec lui, il ne supportait pas de dormir seul.
Je pris un air gêné. Après tout je ne savais toujours pas qui était cet homme, ni ce qu'il a fait. Le blond devant mon ingénuité commença à m'expliquer.
- Jong Up était un membre des Noppera-bo. Il est parti un soir sans rien dire à personne après cinq ans passés chez nous. On l'aimait bien donc ça nous a beaucoup affectés. Surtout Daehyun en fait.
Son visage se voila et il commença à regarder dans le vide.
- C'est pour ça qu'il est autant renfermé. Avant Daehyun était vif et parlait tout le temps, mais quand je te dis tout le temps c'est que c'était même parfois excessif. Maintenant il ne rit plus et ne parle presque plus. Bref. Depuis son départ beaucoup de choses ont changé. Tu as remarqué qu'il manquait un doigt à Manaka ?
Sur le coup, je ne savais pas si je devais le lui avouer ou non. Mais il était sincère avec moi alors je me sentais obligé d'en faire de même.
- Oui, l'auriculaire.
- C'est la punition que subit un yakuza quand il fait une erreur. En fait, après son départ, on a appris que Jong Up avait rejoins les Chrysanthème et qu'il a lâché des infos sur nos stratégies de vente. Du coup, on s'est fait voler beaucoup de marchandises que l'on nous envoyait depuis le Japon. Quand nôtre patron l'a appris, il a convoqué Manaka qui a accepté de sacrifier son petit doigt pour qu'il nous pardonne de nous être trompé sur Jong Up et pour la marchandise volée.
- Tu lui en veux ...?
Je ne me rendis compte de l'inutilité de ma question qu'après l'avoir posé.
- Oublie cette question inutile ...
- Mais non c'est rien, sourit Bang avant de reprendre son sérieux et de me répondre. Oui je lui en veux, pour ce qui est arrivé à Manaka. Je savais que c'est son rôle, en tant que chef elle n'avait pas d'autre choix que d'assumer ses conneries. Mais qu'elle paye pour quelque chose qu'elle n'a pas fait, c'est dégueulasse. Elle l'a accueilli dans le gang, elle s'est occupée de lui comme si c'était son fils, et lui tout ce qu'il a réussi à faire c'est de la faire souffrir.
- Je lui en veux aussi ... lâcha une petite voix venant de la cuisine.
Daehyun, les yeux rouges, traînait des pieds pour nous rejoindre. Quand il fut enfin près de nous, il se coucha dans l'herbe.
- Il nous a laissé ... Seul ... finit t-il avant de nous tourner le dos.
Bang le regarda tristement. Je ne savais pas quoi faire. A l'entente de ce prénom, à l'écoute de cette histoire, Daehyun avait pleuré. Lui qui me semblait si intouchable tout à l'heure venait de perdre tout ses moyens. J'en déduis donc qu'il était proche. Soit frère, soit petit ami. Dans tout les cas, le voir ainsi me faisait mal au c½ur. Je tendis ma main pour lui frotter l'épaule, geste inutile mais qui reste un réflexe lorsqu'il s'agit de réconforter quelqu'un. Lorsqu'il se releva brusquement, se frotta les yeux et s'exclama,
- Aah ! Je suis pathétique quand je fais ça !
Il se mit une petite claque avant de soupirer bruyamment. J'étais à la fois étonné par ce changement de comportement et amusé, il était chou quand il rougissait comme ça.
Bang se leva,
- Je vais dormir sur le canapé, annonça t-il.
- Pourquoi ? demanda Daehyun alors que j'arrachais un brin d'herbe.
- Entre dormir sur le canapé ou écouter les messages codés des deux andouilles là-haut toute la nuit, je préfère rester dans le salon.
Il tapa doucement l'épaule de Daehyun et partit. Le brun me prit le brin d'herbe des mains,
- Je m'ennuie ... J'ai une idée de jeu ! lança t-il en coupant le brin d'herbe en deux.
- Quel genre de jeu ? lui demandai-je intrigué.
- Puisque apparemment ce soir c'est la soirée confidence, si tu tires le morceau d'herbe le plus petit, tu dois répondre honnêtement à ma question. Sinon c'est l'inverse, ria doucement le brun.
Bizarrement, je ne le sentais pas ce jeu. Sûrement à cause de ce que dégageait l'autre. Enfin ce n'était pas négatif, mais je sens qu'il ne va pas tarder à me mettre mal à l'aise. Il me tendit ses deux mains avec les deux bouts d'herbe dépassant à peine. J'en choisis un totalement au hasard.
Ma chance légendaire a fait que je suis tombé sur le plus petit. Je sens que ce soir, c'est ma fête. Daehyun afficha un sourire malsain.
- Je peux vraiment tout te demander ?
- Comme si j'avais le choix, soupirai-je, un peu amusé de voir qu'il avait le sourire.
- Bon c'est bien parce que j'ai envie de savoir ...
Il se rapprocha de moi pour me chuchoter à l'oreille,
- Jun, il est vraiment hétéro ?
Je ria doucement de soulagement. Si ce n'était que ce genre de question, alors son jeu ne me paraissait plus aussi gênant.
- Oui oui, il l'est bien ! Mais c'est ton frère tu devrais savoir ce genre de truc, ris-je de nouveau.
- On ne sait jamais avec lui, il me mène toujours en bateau ... se plaignit Daehyun en coupant un autre brin.
Cette fois, j'ai pris le brin le plus grand. Au grand désespoir du brun qui attendait ma question. Je fis semblant de réfléchir même si je savais pertinemment ce que je voulais lui demander.
- Alors ? s'impatienta mon vis-à-vis.
- C'est gênant !
- Je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir de gênant, hocha t-il des épaules.
Je me concentrais ... Avant de lâcher rapidement, comme pour me débarrasser,
- Jong Up c'est ton frère ?
Il me fixa quelque instant, ça y est, j'ai de nouveau fait une boulette. Une grosse vu son air. Finalement, à mon grand soulagement, son visage se détendit et il éclata de rire,
- Non c'est mon ex !
Je souris. Allez savoir pourquoi ...
- Et toi ?
- De quoi moi ? m'étonnai-je de ce soudain intérêt.
Le brun planta son regard dans la mien.
- Tu as des ex ?
- Haha. Question suivante ! réclamai-je, gêné.
- Pourquoi tu ne veux pas répondre ? sourit Daehyun.
- Je me suis suffisamment ridiculiser pour aujourd'hui ! me plaignis-je en croisant les bras.
- Deux possibilités. Soit tu en as plein, soit tu n'en as pas. La première pourrait être envisageasable si tu ne me fuirais pas du regard comme ça depuis tout à l'heure. Donc c'est la deuxième. J'ai raison ?
- Mpft ... grognai-je en haussant des épaules.
- J'ai toujours raison, gloussa t-il.
Ce type m'énerve. Me taper l'affiche m'énerve. Passer pour un enfant m'énerve. Tout m'énerve !
- Je trouve ça mignon, lâcha finalement le brun alors que je m'apprêtais à riposter.
Et rougir parce qu'il me fait cette remarque m'énerve !
- On va voir Bang ? me proposa l'autre.
- Ok !
Je me relevai, il me tendit ses bras pour que je l'aide à se relever, ce que je fis. Je ne sais pas pourquoi je ressens tout ça quand je suis avec lui, c'est illogique. Et surtout, ça ne me mènera à rien. Décidément, tout m'énerve ce soir.
On rentra dans la maison et trouva Bang en train de regarder un film. Il dormait donc Daehyun éteignit la télé doucement pour ne pas le réveiller. On se retrouva dans le noir.
- Bravo, lâchai-je à la fois amusé et paniqué.
- Oh ça va !
Je sentis une main froide saisir mon poignet. Ce qui me fit sursauter.
- Panique pas, c'est moi !
- Tu m'as fais peur ! m'affolai-je en saisissant sa main avec les deux miennes.
- Bon ne me lâche pas, m'ordonna t-il calmement.
Il avança, moi sur ses talons, toujours attaché à lui. Quelques mètres parcourus et il alluma la lumière dans les escaliers, provoquant ainsi les grognements mécontents de Bang.
- Il faut qu'on fasse vite sinon on va le réveiller, dit Daehyun alors que je le libérai.
On monta rapidement les escaliers. Un fois au-dessus le brun éteignit de nouveau la lumière.
- Tu le fais exprès ou quoi ? grognai-je en cherchant de nouveau son bras.
- On va réveiller les autres sinon, me répondit t-il simplement alors que je venais de retrouver mon point d'accroche à son poignet.
- Tu arrives à t'y retrouver dans le noir ? réalisai-je.
- J'habite ici depuis suffisamment longtemps.
Il y avait une petite pointe d'ironie dans sa voix. Comme avant je le suivais, je lui frottais le bras.
- Qu'est-ce que tu fais ? s'intrigua t-il.
- Tu as le bras congelé !
J'entendis un petit rire alors que l'on marchait dans le noir. Daehyun me prit les deux bras et me fit passer derrière lui. On venait de franchir l'embrasure de la porte, c'était pour que je ne prenne pas le mur.
Quelques pas plus tard, je sentis Daehyun se baisser. Je le lâchai et tendis les bras vers le sol : on venait d'arriver vers les matelas. Je tendis mon bras à gauche et pus sentir le mur. On était de l'autre côté de la chambre. Celui où Daehyun dormait tout seul tout à l'heure dans son coin. Je ne savais pas quoi faire, peut-être qu'il voulait rester seul ...
Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout le monde le laissait seul alors qu'il voudrait être accompagné ?
Personnellement, si jamais je serais brisé comme lui l'est. J'aurais besoin d'être entouré.
Bon. C'est décidé, je dors avec lui.
Je me glissai sur le matelas et me rapprochait doucement. Histoire de ne pas l'écraser. Je sentis un souffle chaud tout près de moi. Je me tournais en sa direction, Daehyun était là. Et j'allais l'aider à aller mieux. Après tout nous sommes tous les deux brisés.
Nous sommes tout les deux seuls.
J'ai perdu ma mère, il a perdu son amour.
Alors j'espère l'aider à aller mieux, parce que j'aime le voir sourire.
J'entendis des reniflements, j'approchai doucement ma main près de lui. Je remontais le long de son cou avant de trouver sa joue. Elle était mouillée. Il pleurait à nouveau. Mon c½ur me serra, j'étais triste pour lui. Je me mis plus près de lui avant de saisir doucement sa tête et de la coller sur mon torse. A mon grand étonnement, il se rapprocha pour se blottir contre moi.
Il pleura un long instant, je ne disais rien, le laissant évacuer sa peine. Tout ce que je trouvais à faire c'est le bercer comme un enfant en lui caressant les cheveux. En espérant que ça l'aide à se calmer.
Ensuite, je me suis endormi.